Singularité nuit

Alignée en escalier, cette série de six voies lactées nées de ce voyage en pleine conscience offrent des galaxies d’instants présents dans cette rue où les autos sont priées de ralentir, où les piétons vont, ou s’en viennent.

Si on fermait les yeux un bref instant? Le temps d’un souffle...

«Singularité nuit»: 6 gravures sur plaques plastiques, tirées sur papier blueback au format F4, édition unique pour l’exposition dans les vitrine de Zone 30 Art Public à Sierre.


Exposition «Singularité nuit» – Zone 30 Art Public à Sierre – 20 décembre au 26 janvier 2021

Texte d'exposition par Carole Pelluchoud

Singularité: caractère exceptionnel de ce qui se distingue; étrangeté; originalité.

D’abord il y eut dérive. Du pont de son bateau, de l’embouchure du Rhône à Villeneuve, Isabelle Favre s’immergeait dans un univers végétal foisonnant. L’exploration d’une nouvelle terre. Un regard affamé. Une création qui n’osait guère s’en affranchir. Gravures et photographies dans une galerie sédunoise, début 2020.

Puis il y eut singularité. Un nouveau regard. Loin, très loin de la représentation. Au commencement toujours, la navigation. Lignes de transport maritime quasi désertées par un public à peine déconfiné... L’artiste, à moitié bretonne, installe sa table de travail sur le haut et s’offre une nouvelle dérive. Les amarres sont larguées, mais elle ne tient plus la barre. Les vents du Léman, la machinerie des moteurs à vapeur, l’eau fendue par la proue, battue par les roues à aubes, et la voix envoûtante de l’artiste britannique Anna Calvi: Isabelle Favre vit, vibre, tandis que sa main joue les électrocardiographes.

«Je me suis plongée dans une pleine conscience aiguë et me suis offert une liberté totale, sans volonté de représentation. Simplement capturer l’instant, la respiration, sans contrainte. Lorsque mon trait dépassait le cadre de la plaque de rhodoïd, j’étais déjà sur une autre ligne.» Le travail se poursuit en atelier par l’encrage de ses plaques et l’essuyage, étape clé où la justesse des blancs et des noirs se révèle. Singularité a été exposée cet automne.

Nourrie et intriguée par cette expérience, par cette intense phase de création au cours de laquelle sa main s’aventure au-delà du regard, Isabelle Favre veut s’aventurer plus loin encore. «Aller gratter», comme elle le dit, et ressentir ce qu’il reste, lorsque la lumière s’éteint. Pour quelques crépuscules, l’artiste se plonge dans un travail de recherche et se laisse glisser dans la semi-obscurité de son atelier. L’heure est au recueillement.

«Dans ces moments-là, confie-t-elle, j’entre dans une forme de prière, de méditation, je touche du doigt l’essentiel...» La vibration se substitue au regard, l’émotion au trait. L’envie de marquer le rhodoïd non plus de la lumière du monde, mais de son souffle. Le regard quitte la main. Il en naît des voies lactées dans des firmaments que la magie du tirage rend obscurs.

Alignée en escalier, cette série de six voies lactées nées de ce voyage en pleine conscience offrent des galaxies d’instants présents dans cette rue où les autos sont priées de ralentir, où les piétons vont, ou s’en viennent.

Si on fermait les yeux un bref instant? Le temps d’un souffle...


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